Kondem vit dans un petit village de montagne situé dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun. Seule avec ses enfants depuis la disparition de son mari suite à l’attaque de Boko Haram, les récoltes ne suffisent plus à nourrir toutes les bouches. Tant pour venir en aide à sa famille que pour gagner son indépendance, sa fille ainée Faydé propose de faire comme toutes les filles du village et de rejoindre la ville de Maroua pour y travailler comme domestique. Traumatisée par sa propre expérience de domestique, Kondem craint pour sa fille, même si elle sait que c’est la seule solution.
Les filles du village installées à Maroua la prennent sous leurs ailes. Faydé partage une chambre avec Srafata, Danna et Bintou et qui lui trouvent très vite une « bonne maison » dans laquelle elle est au service des trois épouses de la concession – Diddi, la daadasaaré (la première épouse), Nenné, la deuxième épouse et enfin Ayya, la troisième épouse.
Tu vois comment tu te comportes en face du roi ? Voilà ! Eh bien, ici, ils sont tous des rois, des reines et des princes.
I. Le chemin de l’espoir – Chapitre 4
Motivée et travailleuse, Faydé s’adapte vite à ses nouvelles tâches et à sa nouvelle vie. Domestique enthousiaste et efficace le jour, elle passe de doux moments complices et fraternels auprès de ses amies le soir venu. Elle parvient même à envoyer un peu d’argent à sa mère et à glaner deci delà des cadeaux à ramener à sa famille.
Mais si cette vie convient à Faydé, certaines de ses amies rêvent d’échapper à leur condition de domestique, de catholique, de kaado, d’être inférieur. Car au Cameroun, le pouvoir et l’argent sont entre les mains des Peuls, ethnie dominante et musulmane. Et seuls des convertis peuvent espérer être acceptés. Aussi certaines ont une aventure avec un homme de la concession, d’autres n’hésitent pas à se faire passer pour peules pour séduire un beau jeune homme…
Faydé quant à elle, est consciente de sa place mais rien ne l’empêche de reprendre ses études et d’aimer en secret.
~ incipit ~ La matinée est à peine entamée. Le soleil déploie déjà sa toile écarlate, laissant augurer une journée caniculaire. Peut-on s’attendre à autre chose, à cette période de l’année ? La saison des pluies n’est qu’un lointain souvenir. Le mois de janvier tire à sa fin, emportant avec lui les dernières brises fraîches, ultime répit avant les grandes chaleurs.
Dans ce roman, Djaïli Amadou Amal, prix Goncourt des lycéens 2020 pour son précédent roman Les Impatientes, s’intéresse à la place des femmes dans son pays et plus particulièrement à celle des domestiques.
— Ces gens de la ville… Tu sais comment ils sont ! Et si elle se fait violer ? Ou pire ?
I. Le chemin de l’espoir – Chapitre 2
— Ici aussi un homme peut l’enlever, la violer ou l’épouser de force, et tu ne peux rien y faire. Violer relève d’ailleurs de la tradition, et c’est ce qui risque de se produire si elle s’attarde plus longtemps ici !
Outre le poids ethnique et religieux, leur condition de domestiques dociles, peu payées et non reconnues dans la société, elles demeurent des femmes. Et ici, une femme est à la merci d’un copain violent, d’un homme de la concession qui n’a que faire de son consentement, d’un prétendant trop fougueux qui la viole (parfois en public) pour en faire de facto sa légitime épouse, d’un père organisant son rapt pour toucher la dot ou encore de Boko Haram qui sévit dans les villages.
Fervente militante pour les droits de la femme, Djaïli Amadou Amal dénonce les murs souvent infranchissables dressés devant les femmes kaado, par racisme, par sexisme, par tradition. Mais au bout de cette longue route étroite et sinueuse, il y a l’espoir. L’espoir d’une vie meilleure, l’espoir de liberté, l’espoir d’accomplissement personnel !
Un roman fort et poignant. Un magnifique plaidoyer pour la femme camerounaise et pour toutes les femmes !
Informations sur l’œuvre
ISBN : 978-2290376973
288 pages
Éditeur : J’ai lu – Littérature n°13831 (07/06/2023)
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