BREL, Jacques. Orly

Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu`eux deux
La pluie les a soudés
Semble-t-il l`un à l`autre
Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu`eux deux
Et je les sais qui parlent
Il doit lui dire: je t`aime
Elle doit lui dire: je t`aime
Je crois qu`ils sont en train
De ne rien se promettre
C`est deux-là sont trop maigres
Pour être malhonnêtes
Ils sont plus de deux mille
Et je ne vois qu`eux deux
Et brusquement ils pleurent
Ils pleurent à gros bouillons
Tout entourés qu`ils sont
D`adipeux en sueur
Et de bouffeurs d`espoir
Qui les montrent du nez
Mais ces deux déchirés
Superbes de chagrin
Abandonnent aux chiens
L`espoir de les juger

(refrain)
La vie ne fait pas de cadeau !
Et nom de dieu !

C`est triste Orly le dimanche
Avec ou sans Bécaud 

Et maintenant ils pleurent
Je veux dire tous les deux
Tout à l`heure c`était lui
Lorsque je disais il
Tout encastrés qu`ils sont
Ils n`entendent plus rien
Que les sanglots de l`autre
Et puis infiniment
Comme deux corps qui prient
Infiniment lentement ces deux corps
Se séparent et en se séparant
Ces deux corps se déchirent
Et je vous jure qu`ils crient
Et puis ils se reprennent
Redeviennent un seul
Redeviennent le feu
Et puis se redéchirent
Se tiennent par les yeux
Et puis en reculant
Comme la mer se retire
Ils consomment l`adieu
Ils bavent quelques mots
Agitent une vague main
Et brusquement ils fuient
Fuient sans se retourner
Et puis il disparaît
Bouffé par l`escalier

refrain

Et puis il disparaît
Bouffé par l`escalier
Et elle elle reste là
Cœur en croix bouche ouverte
Sans un cri sans un mot
Elle connaît sa mort
Elle vient de la croiser
Voilà qu`elle se retourne
Et se retourne encore
Ses bras vont jusqu’à terre
Ça y est elle a mille ans
La porte est refermée
La voilà sans lumière
Elle tourne sur elle-même
Et déjà elle sait
Qu`elle tournera toujours
Elle a perdu des hommes
Mais là elle perd l`amour
L`amour le lui a dit
Revoilà l`inutile
Elle vivra ses projets
Qui ne feront qu`attendre
La revoilà fragile
Avant que d`être à vendre
Je suis là je la suis
Je n`ose rien pour elle
Que la foule grignote
Comme un quelconque fruit


Orly
(Les Marquises)

Difficile de choisir une chanson de Jacques Brel parmi tous ses tubes !
Seulement Orly a l’avantage de commencer par un « O » (comme notre défi de lecture du mois d’octobre) sans compter qu’il s’agit de l’une de nos chansons préférées (malgré un couplet un peu incongru) !

Auteur et interprète d’exception, Jacques Brel est une icône de la chanson française.
Né en avril 1929 à Schaerbeek en Belgique, il a enchaîné les chansons à succès avant de se consacrer au cinéma.
Pourtant en 1973, il décide de faire un tour du monde à la voile. Malade lors de son escale aux îles Canaries, on lui diagnostique un cancer du poumon. Fin 1974, après une opération réussie, il reprend sa traversée. Lorsqu’il arrive aux îles Marquises, épuisé, il décide de s’établir sur l’île d’Hiva Oa. En 1977, malgré la maladie qui gagne du terrain, il retourne à Paris enregistrer l’album Les Marquises. Décédé en octobre 1978 à Bobigny, près de Paris, son corps repose sur l’île d’Hiva Oa.


Avec cet ultime album, Jacques Brel tire sa référence en beauté, inspiré par la nature luxuriante de la Polynésie française tout comme l’avait été le peintre Paul Gauguin avant lui.

Intense et poétique, Orly peut avoir deux lectures : la séparation douloureuse d’un couple d’amoureux ou bien la danse lente et déchirante de la Vie et de la Mort.
Ainsi, malade et se sachant condamné, Jacques Brel se livre comme jamais dans cette sublime chanson :



Informations sur l’œuvre

Retrouvez l’intégralité des textes du « Grand Jacques » dans cet ouvrage de référence publié par sa fille. Textes inédits ou incontournables, Jacques Brel Auteur est un pépite poétique !

ISBN : 978-2960040036
200 pages
Éditeur : Fondation Jacques Brel (02/03/2018)


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